ECRITS




































































































Parce que l’on croit toujours qu’il faut se justifier d’être heureux. Comme si on ne le méritait pas ou bien qu’il fallait le mériter. « Demain est un autre jour », « il y a toujours un mal pour un bien».

C’est quand je le regarde dans les yeux que la réflexion naît. Des yeux noirs dans lesquels je peux lire des lignes blanches. Est-il si difficile que ça d’accepter d’être heureux ?

Les échecs, les déceptions, les coups foireux nous rendent plus fort. Mais la carapace se dessine et les exigences avec.
On devient difficile, pas facile à vivre. Peur de se tromper ou de refaire les mêmes erreurs. Que l’autre les refasse aussi.
Mal au même endroit. Aussi intense.

Il y a un certain bien-être qu’on a du mal à exprimer. Parfois même, on a du mal à l’identifier. Comme assis sur un nuage, dans le vent. Les pieds ne touchent plus terre mais on ne fait plus que marcher. On court même. On ne s’arrête plus.
Tout devient léger, accessible, acceptable.

Le bonheur comme le grand plus qu’il manquait à une vie.


Parce qu’on n’a pas à se justifier d’être heureux.
Parce qu’aimer est la plus grande fatalité de l’Homme.










Une nuit d’été,


En traversant le pont, j’ai détaché mes cheveux pour les offrir aux étoiles. Un parfum de fleur d’été plane.
Les néons de couleurs se reflètent dans l’eau et viennent alors peindre en rose et bleu cette nuit chaude.

Le vent me pique les yeux et me rappelle le souffle d’une autre saison.
Je marche mais je ne sens pas mes pas tellement je me sens légère. Si je n’étais pas accompagnée, je me serai mise à courir.

Légèrement ivre, je tangue sur la gauche, comme aspirée par le courant. Alors je me retourne et je regarde l’homme qui m’accompagne.
Un être étrange et qui semble lui aussi partir à la dérive. Pourtant il marche droit, regard vers l’avant et la tête haute. Fier comme un lion.  

De son côté, je n’ai pas plus de stabilité. Je voudrais qu’il me prenne la main pour retourner sur le droit chemin. Pourtant, ce n’est pas avec lui que je tracerai ce chemin.

Alors je me laisse aveugler par les lumières de la ville qui se reflètent sur le béton. Le vent s’est engouffré dans les rues et la chaleur revient brûler ma peau. L’alcool s’évapore et je marche droit.
Je ne le regarde plus et rentre chez moi.


Une dernière fois, il m’embrasse. La folie d’une nuit d’été. Une odeur boisée et sensuelle. Un peu de tendresse pour essayer de s’endormir.










La vie,

Parce que je me suis levée ce matin en me demandant : après tout, qu’est-ce que je veux faire dans cette vie.
La mienne.

Je rencontre des gens qui ne croient pas en la force de la vie. Pour qui tout n’est que hasard et chance. Qui pensent que cette vie n’a pas vraiment de sens, alors autant faire le minimum pour ne pas qu’elle soit trop mauvaise.
Des gens moroses, dépressifs, passifs. Et qui font semblant d’aller en souriant. Teint pâle, un peu gris, un peu pisseux. Les yeux posés dans un vide profond qu’ils ont fait semblant de combler. Au lieu d’accumuler les médocs’, ne serait-il pas plus judicieux de chercher les pionniers de ce trou ? Les causes du mal de vivre…

J’ai aussi rencontré des personnages pas plus tard qu’hier. Un en particulier. Un de ceux qui aiment vraiment la vie et se sentir vivre.
Il aime marcher, il aime manger, il aime boire un rhum en terrasse, il aime cuisiner pour lui, il aime le thé à la menthe un jour de marché. Il aime.
Tout apprécier à chaque instant, comme un enfant.

Mais le lendemain, qu’en est-il ? Peut-on tous les jours être finalement heureux ? Avons-nous la capacité d’aimer sans se demander pourquoi on aime, jusqu’à quand, comment ? Est-il possible d’apprécier la vie sans se demander encore ?


J’apprends, j’apprends à vivre, comme on le dit si bien, « au moment présent ». J’apprends tous les jours la sagesse. Un peu de lui. La vie.




Avenue,

Avenue d’une ville aimée, faite de pierre, couleur du sable.

Des pavés gris foncés puis des plus clairs de chaque côté. Des lampadaires géants font la sécurité au garde à vous. Parfois, un banc, marron, classique. Il manque beaucoup de planches à celui sur lequel je suis assise. Tous les autres sont occupés en cette après-midi ensoleillée du mois d’avril.

Les arbres bourgeonnent à peine, les gens sortent à peine de leur cocon, les terrasses commencent à peine à se remplir.
Les enfants eux, courent et crient depuis toujours.

Cette avenue, elle est derrière le théâtre alors beaucoup de beau monde la traverse. En long pour aller se balader le long des quais, en largeur pour rejoindre quelqu’un, en diagonale quand on est pressé.

De temps en temps, quelques roulettes de poussette, de rollers, de skate font musique. Puis silence.
Dans un sens, dans l’autre.
Les vélos circulent. Beaucoup de vélos.

Des vas et viens en face de moi d’un autre ordre. Les toilettes publiques de l’avenue. Mais dans l’esprit de la ville : grises foncées, colonnes émiettées et coins arrondis. On dirait l’entrée d’une station de métro.

Des conversations téléphoniques, des tendres, des stressées, des ponctuelles, qui durent une éternité. De près, de loin, fusionnelles ou en main libre.

Cette avenue, c’est un peu la mienne. Elle ne distribue pas de boutiques à la chaîne ni de maison fast food.
Des appartements avec balcon, des cafés noisette et des meubles anciens.

Parce que mon avenue n’est qu’un passage. Entre le vieux quartier au bord de l’eau et le centre ville.
Entre le charme et l’artificiel.








Comme un lion en cage,

J’approche, il me regarde droit dans les yeux.
Il me fait peur mais m’attendrit en même temps. Je tremble et sourie doucement.

Il s’approche de mon visage et son souffle chaud me glace le sang.
Il respire fort, lentement, sans réserve.
Son pelage brille. Il est vieux mais ses couleurs sont intactes, comme au premier jour.
La crinière d’un roi, celui de notre monde devenu jungle.

Comme un lion en cage, sa grosse patte se fait velours sous la peau de son maître. Celui en qui il a confiance, le seul être humain qui puisse contrôler son instinct animal.
Sous la force de l’ordre, il se montre féroce, sauvage, naturel.

Sous la caresse, il redevient peluche, sensible, attachant.

Mais il faut toujours se méfier du lion en cage, même quand il dort.
On ne sait jamais quelle sera sa réaction au premier œil ouvert.

Entre sauvagerie et douceur, entre impulsion et réflexion, entre peur et admiration.

Te voilà comme un lion en cage.

Me voilà face à toi.








Un autre noir et blanc,

Pas celui des photos ou des peintures de la Roumanie.
Pas celui des films lents et agréables.

Il y manque des détails.

Le noir et le blanc ou plutôt le noir et la blanche. Caramel et lait. Doux et sucré comme un bonbon que je laisse fondre dans ma bouche.
Je ne veux pas le finir si vite.
Sauvage mais doux.

Le noir et la blanche, c’est ce qui met en avant la différence. Celle de ce que l’on appelle « les races ».
Le ying et le yang. L’équilibre entre deux êtres. Le mélange des couleurs.
J’aime.
J’y travaille souvent.

L’amour en peinture.
Peindre en faisant l’amour.
Comme un équilibre, comme une passion indescriptible.

Le noir et le blanc, le noir et la blanche, la noire et le blanc ou la noire et la blanche.
Comme des vibrations intenses, uniques.










La gitane,


On l’imagine en robe à fleurs rouge et jaune et qui passe son temps à danser, à chanter et à rêver.
Et pourtant, elle est souvent vêtue de noir, ma gitane. Des bijoux dorés aux oreilles, de longs cheveux noirs qui ont vu le temps passer ici et le regard profond. Elle réfléchie.

On l’imagine dans une caravane à jouer la bohémienne avec une boule de cristal et de longs ongles rouge sang de sorcière qui vous hypnotisent.
Et pourtant, ma gitane vit dans une petite maison en bois coquette. Il y a des fleurs en plastique un peu partout et ça sent le café frais.
Elle ne joue pas, elle vit. Comme elle peut et parfois même comme elle veut.

On croit que toutes les gitanes sont les mêmes. Qu’elles fument trop et qu’elles ont beaucoup trop d’enfants. Qu’elles sont mamans trop jeunes.
Mais chacune est unique parce que chaque femme est unique.



À la gitane que je connais, je voudrais dire que « même si la route n’est plus son chemin principal, qu’elle n’oublie jamais de suivre celle de ses tripes, de son cœur. Celle qui se trace toute seule ».









Cette image,


Un homme marche sur le trottoir de droite. Je le regarde.
En face, je marche trop vite sur le trottoir de gauche. Il ne me regarde pas.
Il est beau.

Le chemin se rétrécie : il y a toujours des travaux sur le trottoir de gauche.
Je traverse en courant. Je le rattrape. J’ai froid et je suis énervée.
Je voudrais qu’il se retourne, juste pour voir un semblant de sourire sur le seul visage de la rue qui ne regarde pas que ses pieds.

Je finis par le doubler par la gauche. Une voiture arrive derrière moi. Un petit pas de course. Pas le temps de tourner la tête.

Loin devant, j’ai encore du chemin à faire. Je rejoins mon homme. Je suis en retard. 

On s’assoit à un café. Romantisme.
Des lumières tamisées, un brin baroque. Des miroirs immenses agrandissent cette pièce minuscule. Des sièges rouges et des tables marbre. Une touche de coquetterie dans les verres.

La porte claque. Un homme rejoint une belle brune seule dans le coin, près de la cheminée.
Je gêne le passage alors je m’avance.
« Excusez-moi ».

J’ai vu son sourire.





En noir et blanc,


Prendre une image et ne plus faire que deux parties d’elle : une noire, une blanche.

Comme pour ne retirer que l’essentiel de ce que l’on a vu. Synthétiser une réalité ou ne garder que le meilleur. Le pire.
Pouvoir enfin observer les contours des endroits fétiches, du monument le plus haut, des fils électriques qui traversent la ville.

Le blanc comme toutes les couleurs réunies : tant de choses différentes à voir que tout devient flou puis lumière. Rayons de bonheur et d’espérance. Vers un autre lieu, un autre monde, une autre histoire. La neige réchauffe les âmes de ceux qui attendent l’hiver.

Le noir comme le trou dans la mémoire ou le fond d’un puit qu’on cherche à discerner. On cherche, on cherche, mais on ne trouve pas. Ton de l’hésitation et du savoir faire. Humour noir pour savoir subtile. Les cheveux d’une indienne, l’obscurité des nuits chaudes, sobriété.

Deux opposés parfaits quand ils sont ensemble.

Admirez comment l’un peut tant dominer l’autre. Equilibre. Simplicité. En noir et blanc.











Amis,


Amis d’un jour comme si c’était depuis toujours.

Trois personnages plus beaux que la Nature.

Plongé dans un livre de Coelho assis devant une cheminée condamnée. Il parle et rêve. Ira écrire ces quelques phrases magiques sur les bacs publics. Pas l’habitude. Un nouveau visage sur un regard que je commence à reconnaître. Du vert. Du jaune. Une lumière sur sa droite n’éclaire pas suffisamment ses idées sombres. Ça sent la peinture.

Il vient le bleu. Turquoise bien sur. Presque effondré sur sa table basse. Le nez dans la peinture, les stylos. Le Noir, comme ses cheveux, le rouge sanguinaire. Il me dit que c’est un rêve. J’y vois un cauchemar. L’inconscient a deux facettes. Il rêve mais les images sont toujours là. Quelques commentaires et le piano m’endort. Il est 19h. La lumière tombe.

Des clics de souris d’ordinateur. Assise sur un tabouret. Au dessus de moi. Des couleurs pétillent devant l’écran. Ca lui va bien. Elle ne parle pas. Elle pense ou elle réfléchit. Peut-être. Je ne vois pas son visage. Elle est loin aujourd’hui. Mais elle est là. Dans cette pièce qui sent la cigarette, le chocolat et le Posca.


Regarder trois visages que je connais, qui me sourient ou me font râler. J’aime.
Ecrire et penser à eux. Comme des petits bouts d’amour qui sont posés sur ma table. Dans ma poche quand j’ai peur, sur mon cœur tous les matins. Chez moi, chez eux.










Rentrer,


Remettre les mêmes choses dans cette même valise. Et puis rentrer. Chemin inverse.

Plier les choses pour qu’elles prennent le moins de place comme pour s’assurer que tout va rentrer. Reprendre toute sa vie dans ses bras et l’enfermer. Ne surtout pas qu’elle se perde. Par automatisme.
Et puis regarder les meubles se vider, décrocher les photos du mur… Comme si personne n’avait dormi dans cette chambre d’enfants.

Croiser le regard de ses futurs ex-collocataires  et leurs donner un sourire crispé. Moi qui ai fais le choix de rentrer. Et pourtant, les choses ne sont pas si simples.

Une tonne de sensations différentes remonte mon dos à 1h du matin. Deux nuits blanches et un avion à prendre à 8h35.



Rentrer chez moi.








Rien ne change,


Silence. Quatre personnes reposent leur tête sur la table au milieu du salon. Les chaises bleu et orange sont posées, pas de place. Le sol est sale. Rien ne change.

Recherche d’inspiration. L’architecture demande patience et imagination. Des mains sur une feuille blanche et un stylo noir dont l’encre coule sur tes doigts. Et puis tu restes sur le balcon à une heure du matin alors qu'il ne fait pas plus d'un degré. Un gros pull en laine pour te réchauffer le cœur.
Les ordinateurs tournent : la maison est devenue une usine.

Des couleurs épaisses dans des mains plastiques et je ne sais pas encore si la matière sera mon amie en cette nuit. Du bleu et du vert se mélangent et ça me fait tourner la tête. Certainement la fatigue. Mais je sais que je vais chercher le sommeil. Encore.

Des minutes qui semblent des heures dans un lit glacial. Et puis pas de lumière pour regarder les photos de nous deux.
Les drapeaux flottent et je sens un léger vent comme s'ils récitaient encore des prières. Le couvercle au dessus de ma tête n’en fait qu’à sa tête. Quelques notes frappent. Une fenêtre qui est restée ouverte. La porte est-elle fermée à clé?

Je me lève une dernière fois.

Rien ne change. 










Je suis perdue,


Je suis perdue dans une rue et je lis les pancartes des magasins. Obligée. Je rentre.

Perdue dans une ville trop grande et je me réfugie dans les lieux publics. Bizarrement, je ressens moins de crainte quand les gens commencent à me parler dans une autre langue. Besoin de me sentir un peu plus en vie.
Mettre les pieds n’importe où et être constamment surprise par la moindre image. Ici, un panneau indiquant le bar « La ruine », mais plus rien à l’intérieur. Un jeu de mot qui a fini par l’emporter. Risible.

J’avance et les couleurs sont de plus en plus sombres. Et je me sens de plus en plus en liberté. Un chant fredonné par une ombre derrière moi. C’est calme et agréable. Le sol est tout cabossé et une impression d’être partie si loin de vous. Mal à la tête de penser à demain. Un corps affaibli par du renouveau et besoin de dormir plus d’heures qu’il ne le faut. Comme un blues du pays.

Dire à tous ces gens cachés de sortir de là et de me prendre la main pour aller danser. Je ne fais que les croiser par hasard, n’importe où et n’importe quand. Quand pourrais-je mettre ma jupe à fleurs et mon foulard noir dans mes cheveux?

Envie de claquettes et de tambourin autour d’un feu en plein air. Mais ça, ce n’est que de l’imagination. Vivre ici et ne pas voir la même chose que dans les livres.


Il reste les couleurs, c’est sur.






À l’heure du dîner,


Seule la petite lumière sur la cuisine est allumée à cette heure-ci: c’est l’heure de préparer à dîner pour ses amis.

Comme tous les dimanches, je répète une habitude amicale. Remplie de sympathie pour ces nouvelles connaissances. Mes copains de voyage, comme j’aime bien dire.
La nuit est là depuis bientôt deux heures. Alors, une douce ambiance prend la place dans cet appartement. Chacun à ses occupations. Silence.

Je prends place dans mon espace de loisir et j’entends quelque chose à la fenêtre. De la musique traditionnelle roumaine s’envole à travers les étages de l’immeuble d’à côté. Je penche la tête mais je ne vois personne. Eux aussi, ils sont chez eux à cette heure-ci.
Dimanche, tout le monde se prépare à reprendre un train de vie épuisant…

Un à un, ils viennent voir ce que je fais, même s’ils savent. Comme tous les dimanche matins, ils se sont demandés si ce soir j’allais changer mes habitudes ou pas. Bien sûr que non.
Comme une vie de famille, je joue parfois le rôle maternel. Mon tour, c’est ce soir. Et puis, demain, ce sera quelqu’un d’autre. Peut-être un homme.
Des responsabilités, comme si elles me rassuraient et me donnaient une raison de plus à ma venue ici. Et j’entends la musique, encore, et les voix qui s’élèvent brutalement. Je souris. Je suis heureuse.

Le paysage est bleu. Sur tous les murs, cette même couleur. Ajouté à l’ombre ocre des épices, cela emmène mon esprit à se balader ailleurs. Je m’y perds un peu, à penser à ces autres. Quelques minutes.



Seule, avec le cœur qui bat un peu plus fort aujourd’hui. Je ne sais pas vraiment pourquoi.












Coup de blues à Bucarest,


Trois semaines dans un nouveau pays et je verse mes premières larmes. Coup de blues à Bucarest.

Prise de conscience soudaine que je vis à des kilomètres de mes amis, de ma famille, de lui.
Ce matin, ils semblent tous avoir senti que ma gorge commençait à trop me serrer. Des voix, des mots gentils, des rires, une image, une autre. Et puis, au bout du compte, pas grand-chose. Mais qui fait beaucoup pour moi, assise sur le sol de ma chambre.

On doit se contenter des rapports électroniques et qui font mal à la tête. Quelque chose manque: toucher.
Je les trouve tous très beaux sur cet écran, comme s’ils avaient pris le temps de se préparer. Un petit peu plus que d’habitude, avec un peu plus d’attention. Leurs rires me font beaucoup de bien. Ça m’envahit. Je craque au moindre mot un peu plus tendre que d’habitude. Prise de conscience collective.
On réapprend à se dire des choses essentielles.

Je ressens un manque. Un vrai manque qui me bouffe l’estomac. Je n’ai pas faim. Les larmes prennent trop de place. Mais elles ne dépasseront pas mon esprit. Je pleure. Un peu, très vite. Le temps de penser à ce que je pourrais faire en ce moment, en France, avec ces mêmes personnes. Mais je n’y suis pas.

Je n’arrive pas à dire « au revoir ». Je ne sais pas vraiment quand est-ce que le hasard fera que les connections seront synchronisées. C’est toujours une surprise. C’est sûrement meilleur?


Mon coup de blues à Bucarest. Un dimanche pluvieux qui certes, ne réchauffe pas beaucoup le cœur. Une ambiance spéciale. Où tout le monde cherche un petit peu d’amour.

On essaye de retarder l’arrivée de l’automne. Avec quelques couleurs chaudes entre les doigts. Virtuellement, on les étale sur nos claviers.











Quitter ses lieux,


Et puis prendre l’avion.

Comme une première sensation.
Celle de tout d’abord fermer sa valise et de tenter d’y faire rentrer une vie. Amener le minimum mais aussi le nécessaire. Des photos, des lettres, un cahier pour gribouiller des choses.
Accrocher à tout cela un cadenas, comme quand on ferme à clé sa maison. Peur de voir un inconnu déplacer ce qui m’appartient.

Tirer un sac de vingt cinq kilos dans différentes villes comme un tsigane bouge ses casseroles et ses édredons. Ne jamais trouver la place pour l’ouvrir. Comme si ce n’était jamais le bon endroit.
J’attends ma nouvelle maison, mon nouveau paradis.

Quitter sa chambre et essayer de se créer une nouvelle vie ailleurs. Là où on ne connaît pas la langue, là où les murs sont trop gris, où les gens ne sourient pas vraiment.
Réapprendre des choses essentielles: partager, échanger, communiquer et faire des efforts pour arriver à ce que l’on veut.

Se contenter du peu que l’on a et en faire sa plus grande richesse. Toujours trouver une solution à n’importe quel problème.
Quitter ses lieux pour avancer et savoir un peu se débrouiller seul.











Partir de rien,


Partir de rien et essayer de construire quelque chose. Un truc à soi, comme un petit trésor.

On essaye de tracer son chemin, de profiter un maximum des gens qu’on croise sur sa route et d’avancer encore. Prendre un bout d’histoire et essayer de le comprendre, de donner du sens. Parce qu’on se sent grandir quand on a compris le petit « truc » qui fait le tout. Discuter avec des personnages et prendre un peu de gueule. Se retrouver entre amis et apprendre encore. Jouer avec nos allumettes et essayer de mettre le feu à nos idées. Et puis créer. Créer ce qui nous correspond, ce qui nous fait vivre, ce qui nous aspire encore à créer quelque chose.

Partir de rien et toujours croire qu’on peut arriver à tout. Toucher de nouveaux matériaux et se fabriquer un abri. Là où se battent les idées et fusent entre elles. Là où notre cerveau ne parle plus qu’à lui-même. Et silence. Les couleurs se mélangent et les formes apparaissent.
L’homme a appris à faire le feu tout seul et à partir de pas grand-chose. C’est devenu quelque chose de primordial et vital. Sans chaleur, nous ne sommes pas.
Alors je crois que bien sûr l’avenir vient d’un rien. Parce qu’il faut bien commencer quelque part. Je crois aussi qu’il ne faut pas vouloir à tout prix tout et tout le temps. Parce qu’on construit sa propre gloire et nous sommes nos premiers admirateurs. Des choses de la vie nous paraissent rien mais c’est ce qui fait qu’on l’aime tant.


Partir d’un trait de son caractère et en faire son premier atout. Partir d’un mot d’amour et en faire tout un poème pour l’être chéri. Partir d’un sourire pour entamer une amitié. Partir d’une fleur pour en faire le plus beau bouquet aux yeux de sa mère. Partir  d’un bout de ficelle pour en faire un lien d’amour.


Et puis partir de là où je suis pour essayer de vous croiser. Je voudrais tant.










Bling bling,


Le son d’une gitane, le soleil d’une vie, danser ivre d’avoir trop bu de vodka.

Des tresses s’envolent, les foulards tombent : les nœuds n’aiment pas le vent. Les fleurs des jupes se battent et elles aussi ont la tête qui tourne. Le rouge, le blanc et le jaune ne se distinguent plus et ça fait « boum boum » sur les tempes. Des verres sont cassés, des assiettes sont jetées à terre. Pieds nus, les cheveux dans les yeux et les mains moites.

Tout le monde chante, en roumain ou en gitan. Peu importe. Ici, seule la fête réunit tout le monde. Les bling bling de ces femmes font vibrer le cœur des hommes qui rêvent d’un seul souffle de ces déesses sur leurs lèvres.
Des rêves dans la tête mais surtout dans les yeux : ça se voit. Ça brille, ça transpire, ça crie.
De la terre plein les mains, les doigts gelés et les yeux qui coulent.
Ces enfants d’une rue que je n’ai vue qu’à la télévision. Des gros mots lancés comme blagues et tout le monde éclate de rire. Vulgaires mais charmeurs, vulgaires mais séduisantes.
Il chante, elle joue. Elle chante et l’accompagne. Des violons, des coups de pieds et encore des bling bling en l’air.

Envie d’avancer, de marcher avec elles pour provoquer le monde entier. Jouer aux dés et perdre de l’argent. Mais gagner parfois : j’ai touché sous ma jupe. Pas de culotte.
Des bains froids sous une tente et des petits qui laissent leurs regards se faufiler un peu partout.
Chanter, chanter et crier qu’on aime cette vie que beaucoup croient de chiens.



Je veux rentrer dans une maison à terre battue, rentrer dans le monde des bling bling. Parler cette langue aussi belle que ton sourire, qu’une fleur rouge éclose, que cet enfant qui me regarde.












Etre touchée,


Au cœur, à la tête, aux jambes, au ventre. Ce ne sont pas des balles blanches. Des balles perdues et récupérées en pleine course.
Elles n’avaient pourtant aucune cible. Regard posé sur un mur blanc et la musique qui te déchire le cœur. La première fois que je sens que tu as peur. Et je pleure.

Te laisser le droit de me parler de ce qui te plaît et de ce qui te déplaît aussi. Me laisser la liberté de t’aider comme je le peux : par des regards, par des caresses, par le rouge qui apparaît dans mes yeux.
Essayer d’entendre ce qui ne fait pas de bruit dans ta tête et me boucher les oreilles quand tu cris. Trembler, ne pas comprendre mon corps pendant ces quelques minutes tellement délicieuses. Sourire mais la gorge serrée, laisser une larme sur ta joue tout en voulant te dévorer et penser que c’est bon, même si tu es triste.

Touchée par un jeune homme qui parle peu mais qui laisse filer des mots dans mes draps. Touchée par un être fort et qui accepte d’être plus faible devant moi. Touchée par une  histoire qui n’est pourtant pas la mienne.

Envie d’aller avec lui, là-bas. L’entendre chanter dans sa tête, voir qu’il est beau, dans n’importe quel lieu qu’il soit. Envie de rencontrer les gens qu’il connait, de regarder avec lui ces photos, ce livre, ce film.



Etre touchée au cœur, au ventre, à la tête, aux jambes. Pas de balle blanche mais des balles de douceur.
Je reste ta cible, si tu le veux toujours.













Pensée d’un soir,


Penser pour s’endormir, pour fatiguer un substrat trop actif, pour tuer les minutes qu’il me faudra pour m’endormir.

La fatigue sur mon visage : mes yeux sont rouges, ma bouche ne veut pas s’ouvrir, l’air me pique la peau et mes jambes dorment déjà.

J’aimerais retourner à l’enfance. Quand on est petit et qu’on est épuisé, on part au lit. La journée est finie. Se mettre sous la couverture, coller son doudou contre son cœur et rêver dès le premier œil fermé. Petit, on ne se pose pas des questions existentielles, celles qui nous empêchent de partir paisiblement. Enfant, on se demande juste si la maîtresse sera gentille demain, si le problème de maths ne sera pas trop compliqué.
Redevenir  petite fille qui fait des bêtises avec son frère derrière la maison, se faire corriger et en faire d’autres.

Les bêtises d’adultes sont des erreurs. Des erreurs que l’on essaye tant bien que mal de réparer parfois. Des mots échappés, des gestes déplacés, de l’ignorance regrettée. Je m’en veux d’avoir dis ces choses à cette personne. Je regrette de ne pas lui avoir dis cela auparavant. Mais contente de l’avoir juste regardé, d’avoir frôlé sa peau. Heureuse d’avoir pris mon courage à deux cœurs et d’avoir entendu ce qui était à entendre. Sensible à ses paroles, triste du passé. 
Revenir en arrière ne guérit pas tous les maux. S’imaginer repartir en arrière et tout modifier. Le lieu, le temps, les couleurs, la musique. Il est si juste de dire que les erreurs sont bonnes à prendre. Elles nous rappellent ce qui peut nous faire mal. Elles nous guident vers ce qui est un peu mieux.

Les gosses sont mystérieux. Ils doivent bien plus en penser que ce qu’ils en laissent passer. Ils ont un regard juste sur le monde. Un enfant différencie le mal et le bien, l’amour et la haine, le bonheur et la tristesse. Il sait qu’en s’amusant, il sourira mais que le jeu pourra finir en duel. L’enfant ne sera pas surpris du conflit, à la différence d’un adulte. Qui croit « gérer la situation » et que rien ne viendra perturber ses gestes. Il se trompe.

Dans une autre vie, j’aimerais être cet enfant qui découvre le monde à chaque regard perdu. Celui qui est ébloui par une feuille tombée d’un arbre, qui sourit devant un oiseau qui s’envole, qui pleure pour un chagrin d’amour.

Sentiment qu’il manque un peu de tout ça à nous, les grands. Comme si l’on avait oublié ce que c’était de profiter de la vie. Comme si nous avions oublié que nous n’avons qu’une vie. Qu’il faut la goûter, la croquer à pleines dents et la recracher de temps en temps, quand elle est trop amère ou trop acide.



Un enfant regarde la vie comme un ciel étoilé : tous les soirs, une nouvelle étoile apparaît.












Recommencer,


Recommencer une nouvelle vie, recommencer à pleurer et à être heureuse.

Tout revient d’un seul coup, comme une grosse giffle en pleine figure. Les choses retrouvent une signification, les gens reviennent. Ils s’assoient et pensent. Pensent que le passé c’était plutôt pas mal au final. Mais qu’aujourd’hui c’est tellement mieux. Alors ils se parlent, disent ce qu’ils ont envie de dire mais pas tout. Tout est beaucoup trop pour un seul homme. Surprises, déception, bonheur. Des regards étranges qui en disent tant. Mais que disent-ils réellement ?

Pleurer, pleurer pour essayer de comprendre. Que reste t-il à comprendre en réalité ?
Certainement les choses déjà comprises mais difficiles à accepter. Pleurer pour rendre les choses plus compliquées. Pleurer pour attendre ce qui n’est plus attendu. Pour chercher des réponses dans ses états d’âme. Pleurer pour trouver l’inspiration. Pour se donner une chance de s’en sortir. Pour admettre ce qui est dit des autres. Pour attirer sa propre attention sur soi-même. Pour regarder la vie d’un autre œil. Pour rendre la nuit plus mystérieuse et avoir mal à la tête au réveil.

Pleurer ce n’est pas les larmes. C’est ce qu’elles expriment. C’est la tristesse violente. Celle qui vous surprends, ne prévient jamais, non jamais. Ne plus arriver à respirer, sentir ses jambes trembler. Se rendre compte qu’on s’en rend plus compte de tout ça. Fixer mais ne pas regarder. Sourire de force. Ne plus savoir parler. Ecouter et avoir peur du bruit. Avoir envie de dormir mais lutter avec son cerveau pour qu’il nous foute la paix. Enfin.



Recommencer ce qui est à recommencer. Reprendre la vie, la mettre à l’envers pour voir ce qui ne va pas. Recommencer ce qu’on ne sait pas que l’on finira par aimer. Puis se dire qu’après tout le futur ça sera certainement encore mieux.












Insomnie,


Tous les soirs la même chose. Je me pose sur mon lit, j’ouvre ce cahier et je prends ce stylo. Je suis fatiguée mais je pense. Je pense alors j’écris.

Il règne le silence du sommeil autour de moi. Les gens sont apaisés, prêts à s’envoler dans leurs rêves. La tête dans l’oreiller et les pieds dans le vide. Tout est fini pour eux : la journée ne s’est pas si mal passée, les choses à faire sont faites et puis demain est un autre jour. Parfois un bruit réveille une âme endormie. Mais les paupières sont trop lourdes. Un souffle, un verre d’eau. Retour au lit.

Cette impression que le temps passe trop vite et que la nuit n’est pas assez longue. Je voudrais vivre dans cette ambiance de paix qui se pose ces quelques heures. Les gens sont pris par la folie de la fête, rien ne les arrête. Ils boivent et dansent jusqu’à en perdre la tête. Sans se poser de question. Juste en se demandant si ça ne va pas passer trop vite.

Puis il y a ceux qui se posent, écoutent, réfléchissent et se taisent. C’est à présent les esprits qui dansent et boient les choses de la journée pour les digérer en douceur la nuit.

J’aime me surprendre à moi-même. Je suis face à une autre qui se veut du bien par l’écriture. Ecrire m’empêche de dormir mais je me sens bien. J’entends crier des gens sous mon balcon et mon chat s’endort à mes pieds. J’ai envie de revenir sur mes pas pour changer certaines choses, pour en profiter peut-être davantage. Ou pour me faire une idée de ce que c’est de vivre au jour le jour, sans se poser toutes ces questions inutiles qui tourmentent parfois mes nuits. Je pense à refaire le monde comme si j’en avais le pouvoir mais surtout la force morale. Tout semble centré sur moi à cet instant. C’est comme si j’étais la seule à y songer maintenant. Je ne vois plus la lune d’ici mais j’imagine bien qu’elle sourit et se fiche de moi. Qu’importe. C’est à la fois délicieux et amer. Difficiles à digérer les pleurs d’un passé trop loin. Dur de se projeter dans ce futur si proche.


Les objets et les lueurs des lampes dehors sont tournés vers ici, se demandant pourquoi je ne dors toujours pas…